[3 mois en Asie du Sud-Est] Le nord du Vietnam : Lao Chai (Sapa)

9 au 11 mai 2019

N’oubliez pas de lire l’article sur Tam Coc pour suivre notre périple dans l’ordre !

On l’a pourtant appris lors de ces trois mois : toujours choisir un PLAT LOCAL ! Mais non, il a fallu que nous commandions des tartines beurre confiture. Les flaques de margarine passent encore plus mal à 6h du matin.

Géographie : Sapa est située à 1540 mètres d’altitude, à l’extrême nord du Vietnam. La ville est entourée de sommets, les « Alpes du Tonkin », dont le plus haut, le Mont Fansipan culmine à 3143 mètres. Le brouillard nous gâche le spectacle, dommage !

Histoire : Au tournant du 20ème siècle, les colons français construisent un poste militaire et une mission catholique. Ils rasent le hameau hmong (ethnie montagnarde du sud de la Chine, nord du Laos/Vietnam) afin d’établir cette agglomération sur le site le plus favorable.

Dans les années 1910, la renommée de Sapa va grandissante. Véritable station d’altitude comprenant sanatorium et belles villas, les Français s’y réfugient pour fuir la chaleur et la moiteur de Hanoi. Le marché régional y est installé et y sont échangés opium et bois contre ustensiles de cuisine et sel entre autres, le tout dûment taxé par l’administration coloniale.

Dans les années 1920, les ethnies montagnardes sont incluses, au même titre que les attractions naturelles et l’air vivifiant, dans le discours promotionnel pour le tourisme visant la clientèle européenne du delta. Notez que cette pratique d’un autre siècle est toujours d’actualité (tout comme les femmes girafes et autres joyeusetés).

Nouvelle période de développement intense dans les années 1940 : la Seconde Guerre Mondiale contraint les Français à rester en Indochine et des centaines de réfugiés Chinois fuient la Révolution et s’installent à Sapa.

Brutalement, les Japonais s’emparent de la ville fin 1946, suivis des Forces Chinoises Républicaines. Abandonnée aux Viet Minh (leurs revendications peuvent être résumées par le slogan : « le Vietnam aux Vietnamiens »), Sapa est entièrement détruite par les bombardements aériens français en 1953 lors de la Guerre d’Indochine. Elle devient communiste. En 1986, le Doï Moï, une libéralisation économique, sonne le glas de trente années de collectivisation et en 1993, le tourisme national et international est de nouveau autorisé. (Sources : Wikipédia et notre hôte).

De nombreux hôtels sont construits de toutes pièces autour d’un grand lac artificiel. En 2016, un téléphérique reliant le sommet maintenant bétonné du Mont Fansipan est inauguré.

Comme nous avons le temps, nous quittons la ville à pied. Après une chasse au trésor pour trouver un restaurant mal situé sur Google Maps, la patronne est tellement contente de nous accueillir qu’elle souhaite nous offrir le repas !

Nous allons logé « chez l’habitant » au fond de la vallée entourée de rizières en terrasse. Au Vietnam, les hébergements sont presque tous appelés « Homestay ». Lorsque des voyageurs rencontrés dans d’autres pays d’Asie nous en parlaient, nous pensions naïvement qu’ils avaient vraiment passé des nuits chez des vietnamiens, comme en Couchsurfing. En fait, cela s’apparente à nos chambres d’hôtes françaises réservables sur les plateformes en ligne. Suivant les hôtes sur lesquels vous tombez, vous ne les croiserez peut-être même pas.

Nous ne devons pas être nombreux à entreprendre la descente à pied car nous attirons l’attention. Plusieurs groupes de femmes appartenant aux minorités ethniques (Hmong noirs, Dao rouges, Tay, Giay et XaPho) font également le chemin à pied, en vêtements traditionnels et nous abordent pour discuter… ah non, pour nous vendre des bibelots ! Nous n’en achetons pas car il est difficile de savoir si tous ces bracelets colorés ne viennent pas plutôt d’une usine de la Chine voisine – d’autant plus que les femmes quittent tout juste Sapa.

Le ciel gris n’enlève rien à la beauté des paysages. Nous savions que le mois de mai n’était pas celui des « photos cartes postales verdoyantes ». C’est la période pour retourner la terre au motoculteur et commencer à repiquer le riz. Le maïs est déjà haut. Les travailleurs s’affairent également à réparer les bordures en terre des terrasses.

Nous découvrons, de nouveau, l’ingéniosité des habitants. Partout, l’eau d’irrigation descend du sommet des montagnes par des canalisations en bambou.

La fatigue se fait sentir…

Un kilomètre à pied, ça use, ça use, un kilomètre à pied, ça use les souliers. Deux kilomètres à pied, ça use, ça use, deux kilomètres à pied, ça use les souliers. Trois kilomètres…

Après 9 kilomètres, nous arrivons au Homestay. Notre chambre et la pièce de vie donne sur les rizières. La famille vit à l’étage inférieur. Notre hôte parle français et anglais couramment. Malgré son côté homme d’affaires, nous sommes très bien accueillis. Nous en apprenons plus sur les habitants de ce pays, cette région, ce village. Il nous explique que les Vietnamiens sont un peuple très fier et résilient et que c’est cette fierté qui leur a permis de chasser les envahisseurs successifs. Leurs caractères et leur sens du commerce a permis au pays de se relever très rapidement. Le fils d’une dizaine d’année, tout aussi sûr de lui, nous met une volée au UNO !

Nous n’embauchons pas de guide pour aller randonner. Charles gère ! Après le meilleur petit-déjeuner du Vietnam (facile de nous acheter avec des crêpes !), nous partons pour une longue et belle journée.

Nous découvrons le village de Ta Van, empruntons d’étroits sentiers boueux, avançons au hasard entre les terrasses qui forment des milliers de miroirs, longeons une crête la tête dans les nuages puis nous retrouvons la civilisation à la cascade de Cau May où nous nous arrêtons pour manger.

Nous suivons ensuite une route, traversons la rivière sur un gros barrage et remontons dans les hauteurs jusqu’à un petit musée entouré de rochers recouverts de mystérieux pétroglyphes (comme à Capitol Reef aux Etats-Unis). Nous passons devant une salle d’arcade et un drôle d’homestay avec des bâtiments en forme d’animaux. Les enfants se promènent avec des bouteilles pleines d’anguilles et de jeunes touristes galèrent en scooter sur les routes défoncées.

La nuit réparatrice nous motive pour une nouvelle promenade. Nos prenons la direction opposée et restons sur les pistes pour ne pas nous « perdre » car nous avons réservé un taxi pour rentrer à Sapa en fin de journée.

De nombreux guides et clients étrangers suivent le même itinéraire. A la sortie d’un pont suspendu, Charles trouve son paradis avec des milliers de papillons qui virevoltent en tout sens. Si seulement je pouvais voler comme eux, la côte qui arrive passerait mieux…

Il est l’heure de quitter le bel homestay et nos nouveaux amis, Véro et Olivier, que nous reverrons à Cruseilles – on se répète mais que le monde est petit ! Chapeau au chauffeur de taxi qui doit avoir un budget crevaison aussi élevé que le nôtre avec Cheesy ! Nous faisons le tour des boutiques et je bave devant les vêtements techniques Salomon, North Face et autres mais ne cède pas à la tentation. Nous retrouvons un groupe de backpackers dans la boutique d’une compagnie de bus. Dans 11 heures, nous serons à Cat Ba. Good night my friends!

[3 mois en Asie du Sud-Est] Hsipaw, Myanmar

15 au 18 mars 2019

Nous arrivons à Hsipaw (prononcé Sipo) par train. Nous traversons à vitesse grand V Nous passons 7h à nous faire bercer, sur les sièges confortables et bien trop larges de la première classe, à observer la vie rurale, à goûter les snacks des vendeurs ambulants, à somnoler dans la chaleur (le soleil tape sur la tôle et le train serpente parfois entre les flammes des champs en feu…), à discuter avec d’autres voyageurs et guides, et à photographier le fameux viaduc de Gokteik… « Long de 688 mètres et haut de 97, il est, à son inauguration en 1901, le plus grand pont à tréteaux et le deuxième pont le plus long du monde ; il reste aujourd’hui le pont le plus haut en Birmanie » (Wikipédia).

On se met ensuite en jambes avec de la marche sous les regards interrogateurs de tous les touristes du train qui embarquent dans des des tuk-tuk pour rejoindre leurs hébergements. On enchaîne avec Sunset Hill, la colline du coucher de soleil. On a quelques frayeurs en s’y rendant… Les camions et les cars nous doublent à toute vitesse sur une route bien trop étroite pour un traffic aussi dense. On apprendra le lendemain que nous étions sur la route de la Chine, toute proche ! Après quelques efforts, nous arrivons au sommet de la colline alors que le ciel rose orangé reflète dans la rivière en contrebas.

Nous avons rendez-vous le lendemain à 7h30 avec Jo-Yin, notre guide de randonnée pour une journée dans les montagnes. Malgré le discours alarmiste de deux anglaises avec qui nous avions dîner, nous passons l’une des plus belles et plus instructives journées de notre voyage, le tout sans être pris dans les tirs croisés entre les armées… Jo-Yin n’a pas la langue dans sa poche et nous explique tellement de choses qu’il est difficile de tout retranscrire ici. Nous passons de conversations légères sur les us et coutumes françaises et birmanes et la faune et la flore à des sujets plus polémiques sur la politique, la religion, l’économie, l’éducation, la guerre…

En vrac :

– Les effets dévastateurs de la spéculation sur les denrées alimentaires et la main-mise de Syngenta sur le commerce de grains/pesticides dans cette région.

– Les conflits entre les armées locales, l’armée du Nord et celle du Myanmar. Les fils des villageois qui se font enrôler de force.

– Les ravages des mines anti-personnel.

– Les centaines de réfugiés logés dans les monastères de Hsipaw.

– La joie des Birmans en 2016 lorsque la prix Nobel de la Paix et leader de la Ligue nationale pour la démocratie, Aung San Suu Kyi, gagne les élections. La désillusion lorsqu’ils se rendent compte que leur situation ne s’améliore que très peu… Les riches s’enrichissent, les pauvres s’appauvrissent et les conflits entre ethnies se poursuivent. Quelques écoles et hôpitaux sont tout de même ouverts dans les campagnes.

– Les magouilles des Chinois pour acheter des terres et construire alors que c’est en théorie interdit

– La censure

– L’ingéniosité des habitants : les génératrices hydroliques faites-maison, les systèmes d’irrigation, l’utilisation de la gravité pour faire monter l’eau jusqu’aux habitations sur la colline, le monsieur qui rentrait ses vaches au lance pierre, les maisons entièrement fabriquées en bambou, les panneaux solaires…

– L’éducation dans les monastères boudhistes pour beaucoup de garçons

– Les raisons pour lesquelles les paysans brûlent leur champs. C’est certes pour fertiliser mais surtout parce qu’ils travaillent sur des terrains abruptes principalement à la main, les plus chanceux avec l’aide d’un buffle, et que ce serait bien trop long de défricher sans l’aide du feu.

– Côté plantes, nous avons découvert l’arbre à canelle, un arbre avec de belles fleurs comestibles en forme de papillon, des herbes utilisées par les chamanes pour stopper les hémorragies, servir d’antiseptique, d’anti douleurs, etc. Côté faune, on a appris l’existence de coqs dressés pour dénicher les poulets sauvages. Ils sont très chers !

– On a remarqué bien moins de déchets plastiques au sol dans les villages de montagne.

– Les différentes langues entre des habitants qui vivent à peine à 10km les uns des autres. Même l’alphabet diffère !

– Les différences entre les cimetières chinois, musulmans, et chrétiens.

– Le mariage obligatoire lorsque qu’un homme et une femme souhaitent vivre ensemble.

– Le pouvoir spirituel des tatouages. Par exemple, Jo-Yin aimerait se faire tatouer mais il a peur de devenir agressif.

– La sécurité sociale inexistante. Les femmes des villages donnent naissance chez elles et pour certains actes bénins, quelques hôpitaux acceptent les dons…

Après 32 km et le meilleur repas birman de notre séjour, on est heureux de voir le songthaew qui nous attend en bas du sentier. Plusieurs personnes sont attroupées autour du chauffeur. Jo-Yin nous apprend qu’un bébé a perdu connaissance et que les villageois aimeraient utiliser le véhicule pour l’emmener à l’hôpital. Nous les prions de monter à bord ! Toute la famille s’excuse… La maman court chercher un bambin en effet mal en point. Après une vingtaine de minutes de route cabossée, nous déposons la famille aux urgences, pas plus alarmée que ça. Drôle de fin de journée…

Le lendemain, c’est à vélo que nous explorons Hsipaw. Nous passons devant une fabrique de nouilles de riz. Elles sèchent au soleil pendant que nous nous liquéfions ! On va voir « Little Bagan », un ensemble de vieux temples en ruines au milieu des poubelles… Le Shan Palace, un musée privé, est fermé alors nous partons nous perdre dans la campagne, en suivant la rivière puis une voie de chemin de fer qui monte vers le nord. Les paysages sont magnifiques, les gens répondent à nos Mingalaba avec de grands sourires mais on finit par se retourner… Pas envie d’avoir des problèmes avec les autorités ! Pour terminer en beauté, nous nous rendons de nouveau sur Sunset Hill, cette fois-ci en poussant nos vieux vélos. Tout ça pour pouvoir dévaler la pente dans le boucan infernal de nos freins grinçants. Ça nous rappelle un peu ceux de Cheezy 😉