[3 mois en Asie du Sud-Est] Chiang Rai, Thaïlande

8 au 11 mars 2019

Bienvenue à Elephant Valley Thailand ! Après nombre de discussions, débats et recherches, nous avons finalement décidé de visiter un sanctuaire dont le but est de permettre à des éléphants exploités (industries du bois et du tourisme) de retrouver un environnement naturel dans lequel il fait bon vivre. Pas de retour à la vie sauvage à proprement dire, c’est impossible, mais dans des centaines d’hectares de forêts protégées.

Il s’agît d’un processus lent aussi bien « animalement » parlant, qu’administrativement.

Les éléphants les plus difficiles à « réinsérer » sont ceux utilisés dans le tourisme. Ils ne savent pas manger par eux-mêmes ni se doucher. Ils considèrent les humains comme leurs fournisseurs officiels de nourriture et sont accros au sucre de part toutes les bananes mûres qu’ils reçoivent des touristes. Ils ne marchent pas sans en recevoir l’ordre. Leurs âmes ont été détruites à coup de crochets afin qu’ils suivent les instructions de leur mahout (aussi appelé cornac) et le parcours pour la balade… Tout comme ceux utilisés dans l’industrie du bois, ils ont l’habitude d’être attachés avec une chaîne très courte lorsqu’ils ne travaillent pas.

Lorsqu’ils arrivent au sanctuaire, ils ont donc besoin de temps avant de retrouver leurs instincts. Des éléphants au refuge depuis plus longtemps servent de modèles. Le sanctuaire embauche également les mahouts (ceux-là même qui ont torturés les éléphants…) et les éduque aux règles non-violentes de la maison… Bien qu’on ait l’impression qu’ils passent leur temps cachés dans des bosquets ou accroupis au pied d’un arbre à regarder des vidéos, ce sont les mahouts, et uniquement eux, qui font prendre le bain aux éléphants (vous auriez envie, vous, qu’une trentaine de personnes par jour vous lavent en prenant des selfies?), qui gèrent les conflits, qui les attachent si besoin… Au fur et à mesure, les mahouts et les touristes se feront plus discrets pour finalement disparaître puisque les éléphants sauront manger, se laver, marcher, tisser des liens sociaux seuls.

A ce stade et sur ce site, nous pouvions donner à manger des bananes vertes le matin et des portions de bananiers (sciés par nos soins) complémentés en vitamines l’après-midi, ce qui n’est plus possible sur le site de la maison-mère au Cambodge (Elephant Valley Project). Sur le site thaïlandais que nous avons visité, les bananiers ne sont pas assez nombreux et les éléphants ont donc besoin de ces rations supplémentaires. Deux premiers éléphants déménageront sur un site plus grand et plus fourni cet été.

Mieux vaut ne pas avoir la phobie administrative pour créer un sanctuaire ! Il faut négocier avec les politiques (autant dire qu’avec les élections, rien n’avance) l’achat de parcelles de jungle immenses avec des points d’eau claire, les clôturer afin que les éléphants réintégrés ne décident pas qu’il est plus simple de manger dans le champ du voisin, se procurer des éléphants auprès de propriétaires véreux sous forme de contrats de location reconductibles… Même s’il est tentant d’acheter un éléphant maltraité (ce que certains refuges bien intentionnés font), cela va souvent à l’encontre des efforts de conservation des populations sauvages, ce qui selon nous doit être le but de toute organisation œuvrant au bien-être animal. L’achat d’un éléphant risque de se faire aux dépens d’un animal sauvage capturé pour le remplacer et d’encourager ainsi le commerce des espèces sauvages, ce qui est normalement illégal en Thaïlande. Les éléphants en captivité sont également censés être enregistrés (puces, pièce d’identité) auprès des autorités mais des dérives existent. Avec le contrat de location, le sanctuaire verse tous les mois une somme au propriétaire de l’éléphant. On s’est pris une claque en apprenant ceci. Et si le contrat n’est pas reconduit ? L’éléphant retourne à sa vie misérable après quelques années de tranquilité.

Les éléphants mangent et boivent beaucoup… pas étonnant vu leur corpulence ! Ça coûte cher… Les sanctuaires ont donc besoin de clients pour joindre les deux bouts afin de satisfaire animaux et employés. Reste à trouver des clients qui acceptent de passer la demi-journée voire la journée à regarder à distance raisonnable des éléphants être des éléphants, à écouter les guides conter leurs histoires et donner des explications… Ce n’est pas grand chose pour le prix mais il faut une bonne fois pour toute comprendre que les éléphants ne sont pas des animaux domestiques. La domestication est le résultat d’une reproduction sélective, guidée par l’homme, sur au moins dix générations. Bien que les Hommes se servent des éléphants depuis des milliers d’années, ces éléphants ont été dans l’ensemble braconnés, avec peut-être une génération (rarement deux) élevée en captivité. On ne monte donc pas sur un éléphant comme on monte sur un poney et on ne caresse pas un éléphant comme on caresserait un chien…

Bref, la situation est complexe mais on préfère vous en parler plutôt que de vous donner des renseignements sur les éléphants d’Asie que vous pourriez trouver en ligne… On a récolté ces informations grâce aux différents guides très transparents, même sur les aspects qui semblent révoltants pour nous, petits européens qui pensons trop souvent en noir et blanc et grâce à un groupe de visiteurs curieux. Il est difficile de parler de notre ressenti… On a répété « c’est compliqué » toute la journée et on n’est pas d’accord sur tout. On y est allé, on a vu, on a l’impression d’avoir contribué financièrement à sanctuaire sincère et sérieux dans sa démarche de conservation mais on ne meure pas d’envie d’y retourner. En plus, j’ai eu bien faim après le buffet du midi !

Pour moins se prendre la tête le lendemain, on a opté pour une journée scooter et on est encore vivants grâce à la conduite avisée de Charles et à mes compétences de copilote ! Il y a environ 70 000 habitants à Chiang Rai… Ça en fait des deux-roues, des voitures et des camions ! Au programme, visite du magnifique temple blanc de l’artiste Chalermchai Kositpipat et sa gallerie d’art, de l’agréable parc Singha, de la maison noire assez glauque de Thawan Duchanee, d’un temple bleu impressionnant, des grottes pleines de chauve-souris et de bouddhas et enfin, les berges de la rivière Kok animées par les lavendières et les baigneurs.

Côté cuisine, on a goûté notre premier hot pot (fondue chinoise) et beaucoup de glace à la noix de coco au marché de nuit. C’était d’ailleurs le marché de nuit le plus typique, bondé de locaux, avec concerts tous les soirs et à deux pas de notre guesthouse.

On a aussi fait faire notre première lessive ! On a apporté nos vêtements sales à une dame qui les a pesé et on les a récupérés secs et pliés le soir… Ça change des lessives à la main dans les lavabos 🙂

[3 mois en Asie du Sud-Est] Kanchanaburi et le Parc National d’Erawan, Thaïlande

23 au 26 février 2019

Encore une destination que Charles et moi n’avions pas visitée lors de nos précédents passages en Thaïlande.

Nous arrivons à la gare routière de Kanchanaburi en début d’après-midi. Les prix des tuk-tuk nous agacent et comme vous le savez, nous aimons marcher… Après un bon repas accompagné de fruits frais, c’est parti pour 2km par 40°C !

Nous sommes récompensés par une chambre flottante sur la fameuse rivière Kwaï, chose que le prix ne nous laissait imaginer. La décoration est sommaire : un matelas par terre, un tabouret encore enroulé de cellophane et deux ventilateurs mais ça nous suffit amplement pour deux nuits.

Nous partons à la découverte du musée du Chemin de Fer Siam-Burma qui, d’après le guide Lonely Planet, serait l’un des mieux organisés et donc des plus instructifs de la ville.

Nous découvrons un pan de l’histoire de la Seconde Guerre Mondiale méconnu en France. La guerre dans le Pacifique, on en a bien sûr déjà entendu parler avec l’attaque de Pearl Harbor en 1941 par les Japonais et l’entrée en guerre des États-Unis. Le film hollywoodien avec le beau Josh Hartnett a pas mal aidé #AmourPréAdo 😉 Les japonnais avaient envahi une bonne partie de l’Asie du Sud-Ouest dans le but de créer, sous le nom de « sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale », un bloc auto-suffisant de pays asiatiques dirigés par le Japon et ne dépendant pas des pays occidentaux.

L’Empire du Japon disposait de peu d’hommes pour construire la ligne de chemin de fer entre Bangkok et Rangoun (une alternative à la voie maritime vulnérable aux attaques des sous-marins alliés) mais de milliers de prisonniers de guerre qu’il fit dépêcher. Les conditions étaient terribles : l’horreur du travail forcée accentuée par des conditions climatiques extrêmes (chaleur, humidité, saison des pluies), les maladies (choléra, malaria, dysenterie, ulcères tropicaux), la faim et la cruauté des gardes.

Les parties les plus connues de la ligne sont :

– le pont sur la Rivière Kwaï à Kanchanaburi, célèbre grâce au roman de Pierre Boulle et au film qu’il a inspiré. Il a été bombardé par la Royal Air Force puis reconstruit.

– le Hellfire Pass (Col du feu de l’enfer)

– les Three Pagodas (3 pagodes) à la frontière birmane où un monument commémore les prisonniers de guerres autraliens.

Bilan : 145 kilomètres de voie, 1 an et demi de construction, environ 106 000 morts dont 16 000 prisonniers de guerres pour la plupart anglais, hollandais et autraliens et 90 000 civils asiatiques majoritairement Malais, Tamils et Birmans. Il est possible de connaître la nationalité ainsi que le nombre de prisonniers de guerre décédés car les japonais ont scrupuleusement respecté une partie de l’article 76 de la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre : « Les belligérants veilleront à ce que les prisonniers de guerre décédés en captivité soient enterrés honorablement et à ce que les tombes portent toutes indications utiles, soient respectées et convenablement entretenues. » Les alliés prisonniers pouvaient enterrer leurs camarades dignement ce qui leur permettaient parfois de cacher des notes ou objets dans les tombes. Impossible d’obtenir des informations précises sur les civils asiatiques malheureusement. Pas de français dans le lot car la France de Vichy avait accordé dès 1940 aux Japonnais un droit de stationnement et de passage en Indochine.

Nous finissons notre leçon d’histoire par l’un des cimetières extrêmement bien entretenu et fleuri, puis le lendemain par la traversée du pont.

Assez d’émotions, nous passons un après-midi à patauger dans la piscine d’un hôtel et finissons par une délicieuse soupe Tom Kha, un riz à l’ananas et un smoothie menthe fraîche citron.

Nous quittons notre chambre sur l’eau tôt le matin pour prendre le bus public qui nous emmènera au Parc National d’Erawan. On avait peur que ce soit trop touristique vu le nombre d’agence en ville qui en faisaient la pub avec guide/taxi/minvan et tout le tralala. Le bus peine, il y a enfin du relief. À peine arrivés, nous nous empressons d’aller louer un bungalow. C’est spacieux ! Allons vite voir si ces cascades valent celles du Hérisson…

WAHOU. WOW. C’est superbe !

Nous montons jusqu’au 7ème niveau pour nous baigner et de redescendre tranquillement en piquant une tête dans les plus beaux bassins. L’eau limpide rafraîchit bien et les poissons nous chatouillent les pieds (comprendre : mangent les peaux mortes…). A 17h, le garde nous fait comprendre que les réjouissances sont terminées. Pas grave, nous avons déjà prévu d’y retourner le matin suivant.

Le tonnerre gronde tout le soir, le ciel s’illumine et la pluie tombe fort. On a eu du nez de ne pas louer une tente…

Après un petit déjeuner de champions à base de fruits exotiques, nous bravons un nid de guêpes grouillant et grimpons à allure Kilian Jornet et Emelie Forsberg jusqu’à la cascade numéro 5. Nous la partageons seulement avec les poissons, un gros lézard et les bruits de la jungle. Le rêve !

Alors que les premiers touristes arrivent de Kanchanaburi, il est temps pour nous d’aller attraper notre bus vers de nouvelles aventures.