[3 mois en Asie du Sud-Est] Mae Sai, Thaïlande et le passage compliqué au Myanmar

11 au 12 mars 2019

Au programme :

Dans la journée, bus de Chiang Rai à Mae Sai, entrée au Myanmar à Tachileik (ville frontière en face de Mae Sai) puis bus de Tachileik à Kengtung.

Deux nuits à Kengtung.

Vol pour Mandalay. Nul autre choix, les routes étant fermées aux étrangers.

Les faits :

De bon matin, dans le bus de Chiang Rai à Mae Sai, nous décidons d’acheter nos billets d’avion Kengtung-Mandalay. Vols complets pour la date choisie. Il s’avère qu’absolument tous les vols au départ de Kengtung ou Tachileik pour n’importe quelle destination birmane soient complets… Ce n’était pas le cas lorsque j’avais « planifié » le voyage. Le prochain vol qui nous permettrait de passer au-dessus de cette zone interdite aux étrangers serait dans une semaine : Tachileik-Mandalay.

Qu’est-ce ce qu’on va bien pouvoir faire pendant une semaine dans l’extrême nord de la Thaïlande ?

Le triangle d’or, haut lieu du commerce de drogues entre la Thaïlande, le Laos et le Myanmar. Mouais. Il paraît qu’en un jour c’est plié, disons deux. Le musée de l’opium est fermé aujourd’hui et les hôtels sont luxueux…

Et si en plus du Triangle d’Or, on allait passer nos deux nuits à Kengtung avant de revenir à Tachileik prendre l’avion ? 155 km aller = des heures de bus. On n’est pas sûr que Kengtung en vale la peine sauf pour la rando mais on en fera à Hsipaw et peut-être au lac Inle…

Sacrebleu ! (Le juron d’origine était probablement différent mais on aime conforter nos amis américains dans leur vision raffinée de la langue française.). Il est bien spécifié sur notre visa que notre lieu d’arrivée au Myanmar est Tachileik. C’est un visa single entry. C’est à dire qu’une fois la douane passée à Tachileik, impossible de sortir du pays et de rentrer à nouveau sur le même visa.

Retournement de situation ! Il y a un vol direct de Chiang Rai à Mandalay à 16h ! Yes! Il suffit de sauter du bus, d’en chopper un autre en face et retour à l’envoyeur.

Ah mais il y a l’histoire du point d’entrée sur le visa… Internet est tellement lent mais merci Free pour les données gratuites en Thaïlande. Charles réussit tout de même à charger des pages de forums de voyageurs ayant la même question. Il semblerait que les douaniers ne soient pas trop regardants sur le lieu d’arrivée dans le pays si elle se fait par les airs. Allez, on réserve le Chiang Rai-Mandalay, tant pis pour Kengtung.

Mais il est passé où ce vol ? Il semblerait qu’il parte de Chiang MAI, pas de Chiang Rai. Chiang Mai, à 260 km de là. Ça pourrait le faire si on attrape un taxi à la station de bus de Mae Sai, que le chauffeur conduit sans pause sur la route la plus courte, qu’il n’y a pas de bouchons…

Arrivés à Mae Sai, on se fait alpaguer par les chauffeurs qui veulent nous conduire à la frontière mais aucun volontaire pour le trajet jusqu’à Chiang Mai. C’est à moitié surprenant… En tout cas, on n’aurait pas marchandé ! Cette option tombe donc à l’eau.

Un peu sur les nerfs, on achète un vol Chiang Mai- Mandalay avec escale à Bangkok qui part le lendemain à 5h30. Désolés chère Planète… On réserve du coup le bus Mae Sai-Chiang Mai de 16h30. Ça nous laisse le temps d’aller visiter la ville, qu’on ne soit pas monté là pour rien !

On ne bronche pas lorsque le chauffeur de songthaew nous arnaque. A la frontière, les étals de jade se succèdent pour donner sur le pont à moitié thaïlandais, à moitié birman. Nous ne le traverserons pas celui-ci… Pas comme ces camions plein à craquer, songthaews bondés et voitures aux passagers excédés de se faire doubler sans vergogne par les tuk-tuk.

Les gens arborent des motifs beiges sur le visage. On apprend plus tard qu’il s’agit de thanakha, une pâte végétale que l’on obtient en rappant un morceau de bois sur une pierre avec un peu d’eau. Ce cosmétique naturel et traditionnel fait office de crème solaire, d’anti rides, de soin anti-acné, etc. 

Le marché couvert est gigantesque. Nous nous éloignons de son brouhaha et prenons de la hauteur pour rejoindre un temple perché sur une colline. Les cabanes colorées ressortent dans la brume, mélange de pollution et de la fumée des brûlis.

Les pompiers nous gâtent avec la manœuvre d’un engin téléguidé dernier cri et c’est le retour à la gare routière.

En route, le bus s’arrête souvent aux barrages où les birmans se font contrôler. Pas nous, ni le Canadien…

Nous passons une agréable soirée à Chiang Mai entre marché de nuit et concert de jazz avant une courte nuit sous les néons et la clim de l’aéroport.

La « galère » pourrait s’arrêter là mais au moment d’embarquer nos noms retentissent dans les hauts-parleurs. Nous devons passer par les bureaux de l’immigration étant donné que l’on quitte la Thaïlande. Une hôtesse nous emmène au pas de course au comptoir de la compagnie aérienne. On nous demande nos billets de sortie de la Birmanie, qu’on n’a pas étant donné que l’on compte quitter le pays par bus. Ça ne leur plaît pas. L’avion est sur le point de partir. « Ok tant pis, vous passerez par l’immigration à Bangkok mais ce sera plus long. » Soit.

On profite des quelques minutes avant le décollage pour charger des pages de forums et des sites de comparatifs de vols pour un Yangon-Siem Reap (Cambodge). On achètera les billets en dernier recours à Bangkok si la compagnie aérienne nous y oblige.

Miam, des sandwich au surimi au petit déj !

À Bangkok, les hôtesses ne nous embêtent pas avec les billets de sortie du Myanmar. Elles doivent avoir l’habitude. Hop, sécurité et immigration passées sans encombre.

Easy peasy.

Je scanne mon billet pour embarquer. Lumière rouge : « boarding denied » (embarquement refusé). L’hôtesse appelle à la rescousse. « Tap tap clicque clique » … « Is OK, go! ».

Merci, bonne nuit. Même pas sûre d’avoir senti l’avion décoller !

[3 mois en Asie du Sud-Est] Chiang Rai, Thaïlande

8 au 11 mars 2019

Bienvenue à Elephant Valley Thailand ! Après nombre de discussions, débats et recherches, nous avons finalement décidé de visiter un sanctuaire dont le but est de permettre à des éléphants exploités (industries du bois et du tourisme) de retrouver un environnement naturel dans lequel il fait bon vivre. Pas de retour à la vie sauvage à proprement dire, c’est impossible, mais dans des centaines d’hectares de forêts protégées.

Il s’agît d’un processus lent aussi bien « animalement » parlant, qu’administrativement.

Les éléphants les plus difficiles à « réinsérer » sont ceux utilisés dans le tourisme. Ils ne savent pas manger par eux-mêmes ni se doucher. Ils considèrent les humains comme leurs fournisseurs officiels de nourriture et sont accros au sucre de part toutes les bananes mûres qu’ils reçoivent des touristes. Ils ne marchent pas sans en recevoir l’ordre. Leurs âmes ont été détruites à coup de crochets afin qu’ils suivent les instructions de leur mahout (aussi appelé cornac) et le parcours pour la balade… Tout comme ceux utilisés dans l’industrie du bois, ils ont l’habitude d’être attachés avec une chaîne très courte lorsqu’ils ne travaillent pas.

Lorsqu’ils arrivent au sanctuaire, ils ont donc besoin de temps avant de retrouver leurs instincts. Des éléphants au refuge depuis plus longtemps servent de modèles. Le sanctuaire embauche également les mahouts (ceux-là même qui ont torturés les éléphants…) et les éduque aux règles non-violentes de la maison… Bien qu’on ait l’impression qu’ils passent leur temps cachés dans des bosquets ou accroupis au pied d’un arbre à regarder des vidéos, ce sont les mahouts, et uniquement eux, qui font prendre le bain aux éléphants (vous auriez envie, vous, qu’une trentaine de personnes par jour vous lavent en prenant des selfies?), qui gèrent les conflits, qui les attachent si besoin… Au fur et à mesure, les mahouts et les touristes se feront plus discrets pour finalement disparaître puisque les éléphants sauront manger, se laver, marcher, tisser des liens sociaux seuls.

A ce stade et sur ce site, nous pouvions donner à manger des bananes vertes le matin et des portions de bananiers (sciés par nos soins) complémentés en vitamines l’après-midi, ce qui n’est plus possible sur le site de la maison-mère au Cambodge (Elephant Valley Project). Sur le site thaïlandais que nous avons visité, les bananiers ne sont pas assez nombreux et les éléphants ont donc besoin de ces rations supplémentaires. Deux premiers éléphants déménageront sur un site plus grand et plus fourni cet été.

Mieux vaut ne pas avoir la phobie administrative pour créer un sanctuaire ! Il faut négocier avec les politiques (autant dire qu’avec les élections, rien n’avance) l’achat de parcelles de jungle immenses avec des points d’eau claire, les clôturer afin que les éléphants réintégrés ne décident pas qu’il est plus simple de manger dans le champ du voisin, se procurer des éléphants auprès de propriétaires véreux sous forme de contrats de location reconductibles… Même s’il est tentant d’acheter un éléphant maltraité (ce que certains refuges bien intentionnés font), cela va souvent à l’encontre des efforts de conservation des populations sauvages, ce qui selon nous doit être le but de toute organisation œuvrant au bien-être animal. L’achat d’un éléphant risque de se faire aux dépens d’un animal sauvage capturé pour le remplacer et d’encourager ainsi le commerce des espèces sauvages, ce qui est normalement illégal en Thaïlande. Les éléphants en captivité sont également censés être enregistrés (puces, pièce d’identité) auprès des autorités mais des dérives existent. Avec le contrat de location, le sanctuaire verse tous les mois une somme au propriétaire de l’éléphant. On s’est pris une claque en apprenant ceci. Et si le contrat n’est pas reconduit ? L’éléphant retourne à sa vie misérable après quelques années de tranquilité.

Les éléphants mangent et boivent beaucoup… pas étonnant vu leur corpulence ! Ça coûte cher… Les sanctuaires ont donc besoin de clients pour joindre les deux bouts afin de satisfaire animaux et employés. Reste à trouver des clients qui acceptent de passer la demi-journée voire la journée à regarder à distance raisonnable des éléphants être des éléphants, à écouter les guides conter leurs histoires et donner des explications… Ce n’est pas grand chose pour le prix mais il faut une bonne fois pour toute comprendre que les éléphants ne sont pas des animaux domestiques. La domestication est le résultat d’une reproduction sélective, guidée par l’homme, sur au moins dix générations. Bien que les Hommes se servent des éléphants depuis des milliers d’années, ces éléphants ont été dans l’ensemble braconnés, avec peut-être une génération (rarement deux) élevée en captivité. On ne monte donc pas sur un éléphant comme on monte sur un poney et on ne caresse pas un éléphant comme on caresserait un chien…

Bref, la situation est complexe mais on préfère vous en parler plutôt que de vous donner des renseignements sur les éléphants d’Asie que vous pourriez trouver en ligne… On a récolté ces informations grâce aux différents guides très transparents, même sur les aspects qui semblent révoltants pour nous, petits européens qui pensons trop souvent en noir et blanc et grâce à un groupe de visiteurs curieux. Il est difficile de parler de notre ressenti… On a répété « c’est compliqué » toute la journée et on n’est pas d’accord sur tout. On y est allé, on a vu, on a l’impression d’avoir contribué financièrement à sanctuaire sincère et sérieux dans sa démarche de conservation mais on ne meure pas d’envie d’y retourner. En plus, j’ai eu bien faim après le buffet du midi !

Pour moins se prendre la tête le lendemain, on a opté pour une journée scooter et on est encore vivants grâce à la conduite avisée de Charles et à mes compétences de copilote ! Il y a environ 70 000 habitants à Chiang Rai… Ça en fait des deux-roues, des voitures et des camions ! Au programme, visite du magnifique temple blanc de l’artiste Chalermchai Kositpipat et sa gallerie d’art, de l’agréable parc Singha, de la maison noire assez glauque de Thawan Duchanee, d’un temple bleu impressionnant, des grottes pleines de chauve-souris et de bouddhas et enfin, les berges de la rivière Kok animées par les lavendières et les baigneurs.

Côté cuisine, on a goûté notre premier hot pot (fondue chinoise) et beaucoup de glace à la noix de coco au marché de nuit. C’était d’ailleurs le marché de nuit le plus typique, bondé de locaux, avec concerts tous les soirs et à deux pas de notre guesthouse.

On a aussi fait faire notre première lessive ! On a apporté nos vêtements sales à une dame qui les a pesé et on les a récupérés secs et pliés le soir… Ça change des lessives à la main dans les lavabos 🙂